Le lundi 19 mai 2025, l’équipe du Collectif Féministe Contre le Viol apprend le décès de Mathilde.

Après des années de violences conjugales, sexuelles, et institutionnelles, Mathilde a mis fin à ses jours.

Dans ce communiqué, nous ne changerons pas le prénom de Mathilde. Son prénom doit être prononcé haut et fort.

Nous souhaitons parler de ce qu’elle a subi, affirmer notre soutien à ses proches et exprimer notre colère.

 

Mathilde a 23 ans quand elle nous contacte pour la première fois sur la permanence téléphonique « Viols-Femmes- Informations – 0 800 05 95 95 » en avril 2021.

Courageusement, elle confie les viols conjugaux, les humiliations, la terreur infligés par son compagnon pendant quatre ans. Séparée de l’agresseur, elle poursuit sa vie entre hospitalisations et reconstruction. Elle se prépare à être de nouveau confrontée à lui lors d’un procès pour viols. Elle nous demande de nous constituer partie civile, et d’être à ses côtés dans cette épreuve.

Nous rencontrons Mathilde et sa mère dans nos locaux afin de préparer l’accompagnement solidaire au procès. Mathilde est fatiguée, assommée par les médicaments. Son état témoigne des violences subies, montre à quel point les agresseurs abîment, détruisent. Mathilde est aussi debout, prête à se battre et à être présente au procès.

Les 8 et 9 avril 2024, la cour criminelle départementale de l’Oise juge seulement deux viols perpétrés en mars 2021. Pourtant, les débats mettent en lumière les violences multiples et répétées de ces quatre années de vie commune, véritable projet de destruction mis en œuvre par l’agresseur.

Il y a la rencontre, Mathilde est en période de soins, l’agresseur se montre charmant. Puis, il y a le « premier cocard » trois jours après l’emménagement ensemble, et les coups de ceinture qui laissent des traces plusieurs semaines après. Il y a les insultes et les paroles qui marquent au fer rouge : « je me demande si tu regardes à droite et à gauche avant de traverser tellement t’es conne », « tu vas finir par te suicider ». Il y a les gifles pendant les actes sexuels, ses larmes et les humiliations : « ça m’excite quand tu pleures ». Il y a les nuits à dormir par terre, il y a les viols pendant le sommeil. Il y a la peur de mourir. La peur qu’il la tue.

Il y a aussi la tentative de meurtre par défénestration, antérieure aux viols jugés, et requalifiée par la justice en « violences par concubin ». Le jugement en comparution immédiate sur reconnaissance préalable de culpabilité, donnant lieu à un aménagement de peine… et à la réitération des violences. Nous voyons là une grave défaillance de la justice dans la protection de Mathilde.

Car le procès de l’agresseur de Mathilde révèle les carences de nos institutions dans la protection des victimes de violences masculines. Aux côtés de Mathilde, nous sommes témoins de l’accumulation des arguments malhonnêtes et déshumanisants de l’agresseur : « t’es d’accord quand t’es réveillée donc d’accord quand tu dors ». « J’ai tout ce que je veux d’elle sexuellement quand elle est réveillée, j’ai aucune raison de faire ça quand elle dort ».

Aux côtés de Mathilde, nous sommes témoins que le procès est le lieu où l’on débat de la taille d’une fissure anale, où l’on se demande si une pénétration violente peut être « consentie », où l’on parle de « sexualité libérée », « d’amour » ou de « conjugopathie » au lieu de parler de violence.

Les agresseurs violent, tuent et les dysfonctionnements, les alliances que notre société tisse avec eux y contribuent.

Les conséquences des viols et des violences sur Mathilde sont colossales. Le syndrome de stress post-traumatique. Les traitements neuroleptiques qui assomment. La perte du désir de vivre pour mettre un terme à la souffrance. Et cette phrase de l’avocate de Mathilde : « les deux dernières années, au cabinet, on tremblait toujours quand le téléphone sonnait car la vie de Mathilde tenait à un fil ». Sur notre ligne d’écoute, Mathilde résume : « c’est dur d’avoir des cicatrices sans savoir d’où elles viennent ».

Malgré tout, malgré la fatigue, la peur, et les médicaments, dès le premier jour du procès, Mathilde est là, présente. Dans la salle d’audience, elle est très anxieuse et lutte très fort pour rester présente. Elle s’accroche à la balle antistress que nous lui avons donnée. Le midi, elle ne mange pas, elle avale à peine un jus d’orange. Au milieu du procès elle est contrainte de retourner à l’hôpital, pour se reposer et recevoir du soin. Au moment de son passage à la barre, Mathilde se tient droite devant la cour, et raconte, avec clarté et précision, ce qu’elle a vécu. Elle s’accroche à la barre comme à la vie. Mathilde dit qu’elle continue de vivre pour que ce procès puisse avoir lieu : elle a réalisé que sans elle, il n’y aurait pas de procès.

L’agresseur de Mathilde est condamné. Dans le verdict, seul un des deux viols est retenu. Celui pour lequel on dispose du seul genre de preuve qui semble intéresser le tribunal : une photographie du viol.

La reconnaissance par la justice de la culpabilité de l’agresseur et sa condamnation auraient dû être « la première marche d’un escalier » vers sa reconstruction comme le souhaitait le père de Mathilde. Mais un autre homme destructeur s’est dressé sur son chemin pour détruire le peu qu’il restait de la force de Mathilde.

Un an plus tard, en avril 2025, Mathilde recontacte « Viols-Femmes-Informations – 0 800 05 95 95 ». Un autre agresseur l’a violée, à peine quatre mois après le procès. A trois reprises il a commis des viols à son encontre, le dernier quelques jours avant l’appel.

Mathilde porte plainte à nouveau, elle est auditionnée à nouveau, examinée à nouveau.

Elle aurait dû être reçue aux unités médico-judiciaires en mai 2025, plus de quatre semaines après le viol. Elle aurait pu l’être avant si l’officier de police judiciaire l’avait prise au sérieux et ne lui avait pas demandé de repasser plus tard à cause des vacances et du sous-effectif.

Aujourd’hui, nous apprenons que Mathilde s’est donné la mort. Tristes, désemparées, et terriblement en colère, nous pensons aux proches de Mathilde, à ses parents, à son frère, à ses amies, à ses soutiens. Ils ont tout notre soutien et toute notre solidarité.

Les violeurs tuent. Les agresseurs frappent, humilient, insultent, violent, abîment et détruisent. La souffrance suffoque. Ce n’est pas Mathilde qui a mis fin à ses jours, c’est l’accumulation des violences masculines et institutionnelles qui l’a privée de vie. Les violeurs tuent. Les conséquences de leurs actes aussi.

Le combat du Collectif Féministe Contre le Viol continue.

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