Pour la réelle suppression du « devoir conjugal »

 

Le 17/01/2024

Le « devoir conjugal » n’existe pas en France. En effet, cette notion n’a aucune base légale que ce soit dans notre code civil ou notre code pénal. Néanmoins, une mauvaise et dangereuse interprétation de la loi et notamment des articles 215 du code civil « les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie » (en vigueur depuis le 1er juillet 1976) et 212 du code civil « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance » a créé une jurisprudence sanctionnant civilement des épouses/époux au motif qu’elles/ils refusaient d’avoir des relations sexuelles dans le cadre du mariage.

En 2011, la Cour d’Appel d’Aix en Provence confirme une décision de justice de divorce aux torts exclusifs d’un mari en raison d’absence de relations sexuelles pendant plusieurs années de mariage avec son épouse. Il est condamné à lui verser 10 000€ de dommages et intérêts. La Cour estimait que « les attentes de l’épouse étaient légitimes dans la mesure où les rapports sexuels entre époux sont notamment l’expression de l’affection qu’ils se portent mutuellement, tandis qu’ils s’inscrivent dans la continuité les devoirs découlant du mariage ». Pour la Cour, le mari a commis une faute en refusant d’avoir des rapports sexuels avec son épouse.

De même, un divorce aux torts exclusifs d’une femme est prononcé en 2019 par la Cour d’appel de Versailles au motif de son refus à avoir des relations sexuelles avec son mari. Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation en septembre 2021 en rejetant le pourvoi de l’épouse. Ayant épuisé toutes les voies de recours internes, cette dernière a depuis introduit une requête devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Par ces décisions, ces Cours ont interprété la « communauté de vie » et la « fidélité » comme l’obligation d’une sexualité entre époux.

Ces décisions sont d’autant plus incompréhensibles que le viol entre époux est lui, reconnu par la jurisprudence depuis 1990 (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 septembre 1990, Pourvoi n° 90-83.786) et confirmé par une autre décision de justice en 1992 (Cour de Cassation, Chambre criminelle, 11 juin 1992, Pourvoi n° 91-86.346).

C’est la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein d’un couple ou commises contre les mineurs qui vient entériner dans notre code pénal le viol conjugal en son article 222-22. En effet, cet article disposait « le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire ». Par ailleurs, cette loi du 4 avril 2006 fait du viol conjugal un crime aggravé ajoutant à la liste des circonstances aggravantes du viol « lorsqu’il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a depuis modifié l’article 222-22 du code pénal précédemment cité. En effet, l’article dispose depuis « le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage » et ne fait plus référence à « la présomption de consentement des époux ». Néanmoins, cette présomption est aujourd’hui tacite puisque la victime de viol ou d’agression sexuelle doit toujours démontrer la contrainte, la menace, la violence ou la surprise. Par ailleurs, la circonstance aggravante « lorsqu’il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité » est toujours en vigueur aujourd’hui. Depuis la loi du 3 août 2018, « y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas ».

Au regard de ces dispositions en vigueur aujourd’hui, comment peut-on encore condamner pour faute des épouses/époux qui ne désireraient pas de relations sexuelles puisque la loi condamne le fait, pour un individu, d’imposer à l’autre un acte sexuel.

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