Appelons les criminels par leur nom

L’affaire d’Angers1 générant un grand nombre de comptes-rendus rédactionnels, nous réagissons à une tendance trop largement répandue d’utiliser des termes inappropriés pour décrire les crimes et délits sexuels commis sur enfants.

Le Collectif Féministe Contre le Viol, qui assure depuis 19 ans la permanence nationale Viols Femmes Informations, a dans ses objectifs majeurs une plus large révélation de la réalité des crimes et délits sexuels. Pour ce faire, la prise de conscience du public, via le traitement de l’information dans les médias, est indispensable. Des progrès nets ont été faits dans ce sens, mais les termes pudiquement utilisés en ce qui concerne les agressions sexuelles commises sur des mineurs contribuent à renforcer le sentiment de culpabilité des enfants victimes.

Les mots employés dans le traitement des affaires d’agressions sexuelles sur enfants ne sont pas une simple question de vocabulaire, mais bien une façon de dire la réalité des violences, les traumatismes subis et la gravité des conséquences pour les enfants victimes et leur avenir. Ainsi, nous nous élevons contre le terme de « pédophile » – littéralement « qui aime les enfants » – lorsqu’on évoque des agresseurs avérés, voire récidivistes, de mineurs. Non, le viol est dans la loi un crime, et les violeurs d’enfants n’aiment pas les enfants en attentant à leur intégrité physique ; ce sont des PEDOCRIMINELS !

En appelant les criminels par leur nom, nous faisons acte de lucidité, nous contribuons toutes et tous à libérer les jeunes victimes du secret que font peser sur eux les agresseurs.

Dans la durée, l’usage correct du terme de « pédocriminel » permettra peut-être à davantage de citoyens de comprendre qu’alerter les autorités sur la situation d’un enfant en danger n’est pas un acte de délation mais une obligation de la loi2 en vue de protéger une vie.

Quant au terme « d’inceste » dans l’affaire d’Angers en l’occurrence, il minimise les notions légales actuellement en vigueur et c’est pour cela que nous y préférons, selon les cas, les termes répertoriés d’agression sexuelles « par ascendant ou par personne ayant autorité », qui sont des circonstances retenues comme aggravantes par la loi (articles 222-28 ou 222-30 du code pénal).

( 1 ) L’affaire d’Angers : 66 personnes jugées à Angers le 3 mars 2005 par la cour d’assises de Maine-et-Loire, pour sévices sexuels (viols, proxénétisme aggravé, agressions sexuelles...) commis sur 45 victimes, âgées de 6 mois à 12 ans au moment des faits. Il s’agit du plus gros procès de l’histoire criminelle en France.
( 2 ) Pour mémoire, l’article 434-3 alinéa 1er du Code Pénal précise à tous : « Le fait pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 d’amende. »