Brésil : « Ici, là-bas, les mêmes drames, les mêmes luttes »

Tribune. Au Brésil, 43% des viols rapportés concernent des fillettes de moins de 12 ans sans que l’Eglise semble s’alarmer.

Une petite fille de 9 ans, violée depuis plusieurs années par son beau-père, enceinte de 15 semaines de jumeaux, excommuniée !! Les médecins, la mère de la fillette aussi !!

Le criminel, lui, n’est pas excommunié, la fillette n’est pas reconnue comme victime , elle n’est que coupable, coupable d’avoir été violée, d’être enceinte et, surtout, d’avoir avorté .Si la fillette en était morte, l’homme auteur de viols à répétition n’aurait pas été excommunié pour autant ! On n’en aurait même pas parlé. Mieux vaut une fillette morte qu’un embryon perdu. L’église dit « la vie innocente des jumeaux devait être préservée » l’implicite est que la fillette est coupable d’avoir été violée !

L’église qui déclare  » le viol est une faute bien moins grave que l’avortement  » !!

L’église du côté des agresseurs !!

L’église du côté des hommes violents !!

L ‘église encourageant les violences faites aux femmes !

Dans l’enquête nationale des violences faites aux femmes ( ENVEFF Maryse Jaspard I.N.E.D. Paris 1 2000) 10 % des femmes déclaraient avoir été victimes de violences de la part de leur compagnon dans l’année précédant l’enquête, le risque était multiplié par trois lorsque les femmes déclaraient pratiquer une religion monothéiste .

L’église qui oblige, ou demande, à des femmes enceintes de prêtres d’avorter puis, si elles refusent, l’église qui leur propose des revenus à condition qu’elles n’aient plus de contact avec le père de leur enfant, ou qu’elles abandonnent cet enfant !

L’église qui n’excommunie pas les prêtres agresseurs sexuels d’enfants…

Qui ne les dénonce pas … qui, parfois, incite leurs victimes à leur accorder « le pardon » !

L’église qui ne s’intéresse pas aux femmes , qui ne les considère pas comme des individus mais uniquement comme des ventres destinés à produire des enfants. Le corps des femmes ne leur appartient pas, il appartient à l’église !! Qu’elles soient violées, engrossées par leur père ou beau-père, quelle importance ? le principal est l’embryon porté. Le crime subi , la souffrance de la victime, l’église n’en a cure ! C’est un message clair en direction des agresseurs, et un discrédit gravissime en direction des victimes implicitement coupables d’avoir été violées selon l‘église !

Au Brésil, 43% des viols rapportés concernent des fillettes de moins de 12 ans sans que l’Eglise semble s’alarmer.

La bataille pour l’avortement en Amérique latine est un enjeu important pour l’église catholique. Au Mexique , en avril 2007 l’avortement est devenu légal .Lors de sa première visite, au Brésil, le plus grand pays catholique, en mai 2007, le pape Benoit XVI a rappelé aux responsables politiques catholiques qu’en libéralisant l’avortement ils s’excommunieraient d’eux mêmes ! l’archevêque de Recife Dom José Cardoso a été soutenu par le responsable du Vatican pour l’Amérique latine Giovani Battista Re dans sa décision d’excommunication.

Dans cette période ou dans beaucoup de pays d’Amérique latine le combat pour la libéralisation de l’I.V.G. commence cette affaire semble symbolique.

Au Brésil, l’avortement n’est autorisé qu’en cas de viol ou de danger pour la mère (ici la fillette mesure 1,36m, pèse 33 kilos , est dénutrie, a fait une puberté précoce probablement déclenchée par les viols répétés de son beau-père depuis l’âge de 6 ans ).

65% des Brésiliens sont opposés à l’avortement 10 femmes par jour obtiennent un avortement pour raisons légales mais 1 million de femmes se font avorter dans des cliniques clandestines L’avortement est la quatrième cause de mortalité des femmes 30% des filles de 15 à17 ans sortent du système scolaire à cause d’une grossesse.

Le président Lula et le ministre de la santé seraient favorables à la libéralisation de l’avortement. Des milliers de Brésiliennes sont descendues dans la rue pour réclamer la libéralisation de l’avortement et protester contre le conservatisme de l’église.

Il y a 35 ans en France, dans les années 1972-1975 à une époque révolue mais finalement pas si lointaine, l’avortement était interdit. Tous les jours des femmes mouraient des suites d’avortement clandestin. La lutte s’organisait. Les femmes grondaient. Marie-Claire une courageuse jeune fille de 17 ans, violée, après avoir avorté comparaissait avec sa mère et l’avorteuse devant le tribunal de Bobigny. Défendues par Gisèle Halimi, leur procès très médiatisé a fait avancer irréversiblement le combat pour la légalisation de l’avortement.

Ici, là-bas, les mêmes drames, les mêmes détresses : la même solidarité, les mêmes luttes. Dans un pays démocratique ces luttes conduiront à faire reconnaître le droit des femmes à maîtriser leur fécondité et à disposer de leur propre corps, il leur sera alors possible d’investir toutes leurs énergies pour lutter contre les violences que les hommes leur infligent.

Docteur Emmanuelle Piet, Présidente du CFCV

Le Collectif Féministe Contre le Viol anime depuis mars 1986 la permanence téléphonique Viols Femmes informations 0800 05 95 95.
Depuis sa création, le CFCV a reçu des appels de plus de 37 000 victimes.
L’Objet de l’association est "d’aider et de soutenir les personnes victimes de violences et d’agressions sexuelles, ainsi que leur entourage. Elle entend donner la parole aux victimes, femmes ou enfants, afin de briser le silence qui entoure le viol et les violences sexuelles et fait encore trop souvent de la victime une coupable. Pour ce faire, la prise de parole des femmes est capitale." Dans son dernier bulletin un article sur les grossesses après viol montre combien ces grossesses constituent pour les victimes une violence supplémentaire.
Publié dans L’Humanité 16/03/09