L’interdit sexuel entre médecins et patients

L’interdit sexuel entre médecins et patients

Une émission à écouter ici

 

mardi 27 mars 2018 par Mathieu Vidard

Des femmes victimes de leur psychiatre demandent que l’interdiction faite aux médecins d’avoir des relations sexuelles avec leurs patient(e)s soit inscrite dans le Code de Déontologie Médicale.

Alors que les scandales sexuels impliquant des médecins se succèdent, la Code de Déontologie Médicale qui s’impose  aux médecins ne comporte toujours aucun article leur interdisant explicitement d’avoir des relations sexuelles avec leurs patient.e.s. Cette carence incompréhensible est d’autant plus grave qu’un paragraphe concernant cet interdit a été retiré du Serment d’Hippocrate, dépourvu de valeur légale, mais prêté par tous les médecins lors de la soutenance de leur thèse.

Lorsque les victimes trouvent la force de poursuivre le médecin qui a profité de leur vulnérabilité pour les séduire, elles sont trop souvent découragées voire éconduites au prétexte qu’il s’agit d’une relation entre adultes consentants qu’aucun texte légal ne réprouve ! Il s’agit pourtant d’un véritable abus de faiblesse aggravé par un abus d’autorité.

C’est pourquoi un collectif demande à la Ministre de la Santé que soit ajouté un nouvel article au Code de Déontologie Médicale ainsi rédigé “Le médecin doit s’interdire toute relation sexuelle avec les patients dont il a la charge”.

Une pétition a été mise en ligne le 26 mars 2018 à minuit 

Viols femmes informations 0800 05 95 95

Une pétition pour demander l’interdiction des relations sexuelles entre médecins et patients

Une pétition pour demander l’interdiction des relations sexuelles entre médecins et patients

Pétition Hippocrate

#OpérationHippocrate Épisode 1 : La pétition

 

Les signataires de cette pétition demandent l’ajout au Code de Déontologie Médicale d’un article interdisant explicitement aux médecins toute relation sexuelle avec les patient(e)s dont ils assurent le suivi. L’interdit sexuel entre médecin et patient est un fondement universel de la confiance qui doit entourer la relation thérapeutique.

Lire aussi :
2) Réponses aux critiques.
3) Réponses au communiqué de l’Ordre.

Le Serment d’Hippocrate comportait dans sa version historique un paragraphe important :

Dans quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.

Cet interdit a disparu de sa version actualisée, prêtée par tous les futurs médecins lors de la soutenance leur thèse. De même, le Code de Déontologie médicale, juridiquement opposable aux médecins car intégré dans le Code de la Santé Publique, ne comporte aucun interdit explicite concernant la sexualité médecin/patient.

Pourtant les transgressions ne sont pas rares, et les témoignages des victimes sont poignants (Marie, Cassandre, Ariane).

En cas de poursuites, les médecins abuseurs s’appuient sur ce vide juridique pour échapper aux sanctions

Faute d’un support légal, les plaintes des victimes auprès de l’Ordre des médecins aboutissent trop souvent à des relaxes, à des sanctions symboliques, voire à la culpabilisation des patients ! (qui sont dans leur grande majorité des patientes). Les victimes en sortent doublement brisées : à la fois par la toxicité d’une relation dont les mécanismes s’apparentent à ceux de l’inceste, et par la responsabilité qu’on leur fait porter dans cette cette relation, alors qu’il s’agit d’un abus de faiblesse aggravé par un abus d’autorité.

Freud a parfaitement décrit en quelques pages et dans un langage très simple, les mécanismes du transfert et du contre-transfert amoureux qui doivent conduire le médecin à s’interdire toute forme de sexualité avec ses patient(e)s, quels que soient ses sentiments, leurs déclarations ou l’interprétation qu’il en aurait faite.

Pour protéger les patient(e)s, mais aussi les médecins peu ou pas formés à ces risques, nous demandons à la Ministre de la Santé de publier un décret permettant l’ajout d’un article spécifique au Code de Déontologie Médicale. Son libellé (au masculin neutre comme pour les autres articles du Code) pourrait être le suivant :

« Le médecin doit s’interdire toute relation sexuelle avec les patients dont il a la charge ».

Le Conseil de l’Ordre devrait logiquement soutenir cette demande. Il pourra , préciser dans ses commentaires les conditions permettant de libérer le médecin de cet interdit, par exemple lorsque cette prise en charge est déléguée à un confrère.

Les principes importants doivent être écrits !

Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur une profession dont les membres sont dans leur immense majorité respectueux de leurs patients, mais de se donner les moyens de sanctionner une infime minorité de prédateurs sexuels.

Les personnalités suivantes soutiennent cette pétition :

-Dr Christophe André, site web, Psychiatre.
-Pénélope Bagieu, site web, Autrice de bande dessinée.
-Marilyn Baldeck, site web Déléguée générale de Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail.
-Dr Baptiste Beaulieu, site web, Médecin généraliste et romancier.
-Dr Alain Beaupin, Médecin généraliste. Président de l’Union Confédérale des Médecins Salariés.
-Dr Dominique Dupagne, site web, Médecin généraliste, créateur du site atoute.org.
-Sylvie Fainzang, site web, Anthropologue, directrice de recherche à l’Inserm.
-Dr Irène Frachon, Médecin pneumologue à Brest.
-Dr Jean-Paul Hamon, Président de la Fédération des Médecins de France (FMF).
-Dr Gilles Lazimi, site web, Médecin généraliste , maître de conférences associé de la faculté de Médecine Sorbonne Université et membre du Haut Conseil à l’Égalite entre les Femmes et les Hommes.
-Dr Gérard Lopez, site web, Fondateur et président de l’Institut de Victimologie de Paris.
-Pr Anne-Marie Magnier, Médecin généraliste, professeur à la faculté de Médecine Sorbonne Université.
-Dre Emmanuelle Piet, site web, Présidente du Collectif Féministe Contre le Viol.
-Le Planning Familial de Paris, site web.
-Dre Muriel Salmona, site web, Psychiatre, fondatrice et présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie.
-Jacques Testart, site web, Biologiste, docteur en sciences, directeur de recherche honoraire à l’Inserm.

Vous pouvez vous aussi soutenir cette demande en ajoutant votre nom, votre fonction et un éventuel message à l’aide du formulaire ci-dessous (votre email servira uniquement à valider votre signature et ne sera pas conservé)

Si vous souhaitez en débattre, le forum sous cet article est à votre disposition. Il recense de nombreux documents permettant d’approfondir la réflexion.

Si vous avez été victime de l’emprise d’un médecin, et que vous souhaitez en parler, vous trouverez du soutien sur ce forum ou d’autres victimes témoignent depuis plus de dix ans de leur difficulté à se reconstruire après ce traumatisme.

Depuis la publication de cette pétition, deux nouveaux articles ont été publiés : une réponse aux critiques et une autre au communiqué de l’Ordre des médecins.

 

http://www.atoute.org/n/article366.html

Contre Tribune des 1000

Contre Tribune des 1000

Tribune de Violette Versaevel et Yasmine Boirie 

Pétition à signer ici

 

Nous sommes deux jeunes filles de 17 ans. Nous ne sommes ni expertes en féminisme ni particulièrement engagées dans la lutte pour les droits des femmes, certainement parce que nous pensions la question révolue depuis le temps qu’on en parle et aussi parce que les dernières révélations en matière de harcèlement nous ont laissé croire que, la parole étant libérée, aucun homme n’oserait plus faire à personne ce qu’on pourrait lui reprocher… Et puis nous avons lu la tribune pour la « liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle »… La lecture en fut douloureuse. Nous nous sommes premièrement demandé pour qui ce fameux droit à être importunée était réclamé. Nous doutons en effet que mesdames de Menthon, Lévy et Deneuve promeuvent ce droit pour elles-mêmes…

Nous comprenons donc assez vite que cette tribune serait une sorte de legs pour nous, les futures usagères des transports en commun. Ainsi donc mesdemoiselles, semblent ainsi nous dire nos 100 mères, vous attend un modèle de société où il faudrait que vous ayez de la compassion pour ces messieurs, jeunes et vieux, qui auraient la délicate attention de se frotter à vous ! Une société dans laquelle nous devrions apprendre à taire, voire à apprécier les agressions que nous subissons (pardon, que nous réclamons) ! Anachronique ? Non, c’est moderne…

Mais on ne veut plus se taire. Nous voulons faire entendre notre voix. Nous voulons que vous, mesdames, prenez conscience de l’ampleur de ce phénomène d’agressions quotidiennes que vous qualifiez de nécessaires. Le traumatisme d’un attouchement ou d’un viol est réel et certaines d’entre nous (qui prenons certainement plus souvent les transports en commun que vous) sont là pour en témoigner. Certaines jeunes filles nous ont envoyé des témoignages de harcèlement moral qu’elles ont vécu dès le plus jeune âge, d’autres d’attouchements dans le métro dès 8 heures du matin, sous le sac à dos, d’autre encore de l’oppression qu’elles ont subi sur leur lieu de stage ou de formation. A lire tous ces témoignages, nous avons compris que, au-delà de cette « tribune des 100 », il existe un mépris bien plus ancré dans notre société de celles qui défendent le droit des femmes à être libres et respectées, celles qu’on appelle les « féministes » parce qu’elles sont des femmes et qu’elles refusent de se cacher.

Nous sommes les futures femmes de cette société

Nous ne sommes en effet pas les filles de Simone de Beauvoir, nous n’avons ni lu ni étudié l’histoire du féminisme ; nous n’avons aucune référence ni lettre de recommandation de « sommités » mais nous, nous sommes les futures femmes de cette société et nous refusons le modèle que vous nous présentez.

Plus encore, nous refusons votre modèle d’éducation. Nous ne sommes pas à la recherche ni de la protection ni de la « virilité ». La protection, nous voulons nous l’assurer quand nous nous levons tous les matins pour aller étudier ou que nous rentrons tard de soirée. Nous la voulons également sur notre futur lieu de travail et plus globalement dans notre société, où nous attendent inégalités salariales, plafond de verre, choix imposés entre carrière et famille… problèmes toujours pas réglés et qui s’ajoutent d’ores et déjà à une confiance en soi en moyenne inférieure à nos camarades de classe masculins. A qui la faute ? Aux féministes « embourgeoisées » ou à la vision, que vous contribuez à disséminer, de la femme désirable et désirée ?

Si nous voulons plaire parfois, nous voulons également travailler et être prises au sérieux. Nous voulons être payées comme les hommes voire plus quand c’est mérité. Et nous voulons pouvoir marcher dans la rue sans avoir à redouter notre « Dom Juan maladroit » qui se frotterait contre notre jean ou notre jupe, qui nous « volerait » un baiser ou pire, nous forcerait à aboutir à des rapports non consentis.

Voilà ce qu’est notre vision des droits nécessaires à notre liberté, à nous, les futures femmes de la société.

 

 

 

Tribune de Violette Versaevel et Yasmine Boirie 

Pétition à signer ici