Les 20 ans du CFCV

0 800 05 95 95 Viols-Femmes-Informations : 20 ans à l’écoute des femmes victimes de viols

 

Les féministes contre le viol

Dans les années 70 dans la dynamique du mouvement de libération des femmes des féministes organisent manifestations et actions pour dénoncer le viol. Après une première manifestation en mai 1972 de « Dénonciation des crimes contre les femmes » l’objectif est de démanteler les mythes qui masquent la réalité des crimes de viols. La publication d’un manifeste et l’organisation dans la grande salle parisienne de la Mutualité de « Dix heures contre le viol » le 26 juin 1976 constituent des points forts d’une campagne publique contre le viol : collectifs de soutien à des femmes victimes de viol, débats publics, articles de presse, manifestations de nuit, contestation du traitement judiciaire des crimes de viol, la plupart du temps correctionnalisés.

La loi évolue

Au Parlement, propositions et projets de loi se succèdent donnant lieu à de nombreux débats qui aboutiront en décembre 1980 au vote d’une loi définissant le viol comme « Tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise » (« ou menace » sera ajouté dans la loi du 22/07/92 et entrera dans le nouveau Code Pénal de 1994).

Alors que le viol avait toujours été réprimé comme un crime contre les hommes, crime contre un propriétaire dont on prend la femme ou la fille, il est désormais sanctionné en tant que crime à l’encontre d’une personne. Dans le contexte de cette nouvelle législation des projets de prise en charge des femmes victimes de viol sont envisagés dans divers hôpitaux.

Viol : non-assistance à femme en danger

En mai 1985, dans la région parisienne, en l’espace de quelques jours et à trois reprises la presse relate le viol d’une femme perpétré dans un lieu public sans aucune réaction ni soutien des personnes témoins de ces agressions. En protestation des associations féministes manifestent publiquement et se rassemblent en un Collectif d’associations féministes contre le viol.

Choquées de constater que rien n’existe pour accueillir les femmes victimes de viol, fortes de leur expérience de militantes, elles forment le projet d’ouvrir une permanence téléphonique. Ce projet rencontre le plein soutien du ministère des Droits des femmes qui s’engage à financer un téléphone vert, appel gratuit pour toute la France.

Viols-Femmes-Informations ouvre le 8 mars 1986 dans les locaux mis à disposition par le Planning Familial. Le numéro a été diffusé par les services du ministère dans les préfectures, auprès des services de police, télévision et journaux en parlent et tous les jours, dès le premier jour des femmes appellent. Elles ont été violées parfois très longtemps auparavant : des années, des décennies mais n’ont trouvé ni écoute, ni soutien et vivent avec cette blessure qui ne cicatrise pas.

Depuis le 8 mars 1986, plus de 33 000 femmes ont appelé le 0 800 05 95 95. Elles ont dit les viols que leur font subir des pères, des frères, des membres de leur famille, des médecins, des thérapeutes, des prêtres, des collègues, des amis, des inconnus…

Elles nous ont appris à voir la violence sexuelle exercée par des hommes à l’encontre de femmes et d’enfants, à comprendre comment ces crimes étaient si longtemps restés secrets et impunis. Elles nous ont appris à percevoir ce dont elles ont besoin : de justice, de sécurité, de vie. Avec elles nous avons décidé d’agir pour que ça change, d’agir pour dénoncer, pour prévenir, pour restaurer.

Pour presque toutes, le traumatisme subi dans la famille, au travail ou dans la vie sociale n’a été pris en compte ni par l’entourage proche, ni par les institutions qui n’ont pas pu ou voulu entendre leur parole de victime.

Certes, le crime de viol fait horreur à chacun. Toutefois, malgré la loi qui le sanctionne, la société a du mal à écouter les victimes et à condamner les violeurs.

C’est grâce à la parole, au courage et à la ténacité des femmes que notre association a pu réfléchir et agir :

  • écoute et information à la permanence téléphonique
  • accompagnement de victimes
  • groupes de parole pour les femmes victimes de viol
  • formation et animation d’un réseau national d’associations en lutte contre les violences sexuelles
  • action de sensibilisation et de formation pour les différents professionnels concernés : police, gendarmerie, justice, professionnels du secteur médical, social, éducatif…
  • participation aux différentes instances mises en place par les pouvoirs publics
  • etc.

En vingt ans, la production d’analyses critiques réalisée par le CFCV et remise aux instances politiques a suscité et soutenu des évolutions de différents ordres.

Justice

Une première avancée capitale a créé une brèche dans la réglementation de la prescription des crimes. Depuis la loi du 13 juillet 1989, la prescription des crimes sexuels à l’encontre de victimes mineures débute non plus de la date des faits mais à la majorité de la victime ce qui allonge le temps pendant lequel elle peut porter plainte, donnée importante ; brèche qu’ont élargie des lois plus récentes, (la loi « Guigou » en 1996, la loi « Perben » en mars 2004.)

Santé

S’il reste encore beaucoup à faire en ce domaine des initiatives pionnières se sont manifestées : ouverture de centres d’accueil pour les femmes victimes, développement des consultations médico-judiciaires, création de services de prise en charge des victimes de traumatisme, prise de conscience de la nécessité pour les personnels médicaux de développer leurs connaissances en victimologie.

Il reste tant à faire…

Comme l’a montré l’Enquête nationale sur les Violences Envers les Femmes en France (ENVEFF) parmi les femmes de 20 à 59 ans, 48000 femmes ont été victimes de viols durant l’année 1999. Pourtant en cette même année 1999 ne sont enregistrées que 3490 plaintes pour viols déposées par des victimes majeures (femmes et hommes confondus). Cet énorme décalage témoigne de tout ce qu’il reste à faire pour entendre les victimes et sanctionner les auteurs de crimes sexuels. Nous sommes encore loin du moment où, à la suite d’un viol, chaque victime pourra faire valoir ses droits.

L’analyse des appels reçus témoigne des avancées déjà réalisées alors qu’en 1986, 1 femmes sur 20 portait les faits devant la justice aujourd’hui 1 sur 5 envisage de porter plainte après un viol. En 1986 les appels qui nous parvenaient concernaient des viols perpétrés en moyenne 15 ans auparavant, aujourd’hui c’est plus fréquemment dans les 5 ans qui suivent l’agression.

Les femmes qui appellent le 0 800 05 95 95 ont été victimes de crimes odieux mais cela ne signifie pas qu’elles soient des victimes-à-vie. Leur révolte contre le mal qui leur a été fait, leur aspiration à faire reconnaître leurs droits, le travail qui leur est nécessaire pour retrouver un sens à leur vie se renforcent lorsqu’elles peuvent s’appuyer sur le soutien solidaire et éclairé que peuvent leur apporter des proches lucides, des professionnels compétents, des structures spécialisées, des institutions policières et judiciaires efficaces.

Viols-Femmes-Informations s’inscrit dans ce réseau et leur propose une écoute fondée sur l’analyse et la dénonciation des systèmes d’oppression, de l’exercice d’une domination et d’un pouvoir des forts sur les faibles, des adultes sur les enfants, d’hommes sur des femmes