Aux crimes exceptionnels, une réponse exceptionnelle : l’imprescriptibilité
En réaction à l’affaire Bill Cosby où de nombreuses femmes victimes de l’acteur n’avaient pas accès à la justice, alors que d’autres ont pu y recourir, le gouverneur de Californie a ratifié le 28 septembre 2016 une loi supprimant la prescription pour les crimes sexuels.
En France, nous avons également de nombreuses affaires similaires de violeurs en série, avec des victimes pouvant porter plainte, alors que d’autres n’ont pas pu en raison de la prescription, bien qu’elles aient subi les mêmes crimes et délits. Pour ne citer que quelques unes des plus récentes : l’entraîneur de tennis Régis de Camaret, Léonide Kameneff et l’École en bateau, le gynécologue André Hazout, Giovanni Costa dit l’électricien… .
Rappelons que la prescription de l’action publique constitue une exception péremptoire et d’ordre public : elle ôte aux faits poursuivis tout caractère délictueux.
Un argument fréquent contre la suppression de la prescription pour les victimes de viols et de délits sexuels aggravés est le caractère exceptionnel de l’imprescriptibilité, réservé actuellement en France aux seuls crimes contre l’humanité. Nous devons donc nous contenter d’une prescription de 10 ans pour les crimes sexuels commis sur des personnes adultes et d’une prescrption de 3 ans pour les délits sexuels . Pour les crimes sexuels commis sur les mineurs, la prescription a été portée à 20 ans après la majorité depuis la loi Perben II du 9 mars 2004, et est la même pour les délits sexuels aggravés commis sur des mineurs. Il est à noter que les allongements des délais de prescriptions successifs ne sont et ne seront pas rétroactifs.
Pourquoi faut-il la réponse exceptionnelle de l’imprescriptibilité pour ces crimes : parce qu’ils sont exceptionnels pour 6 raisons majeures :
En raison de leur très grand nombre, ce sont des crimes de masse
Dans leur vie 16% des femmes ont subi des viols et des tentatives de viols, et 5% des hommes,(et 20% des femmes on subi des aggressios sexuelles au cours de leur vie), si on rapporte ces pourcentages à la population générale françaises au premier janvier 2016, cela donne : 5 493 810 femmes et 1 614 567 hommes, soit plus de 7 millions de personnes au total.
En raison de l’impunité dont bénéficient des agresseurs, et de l’absence de protection que subissent les victimes
Seules 10% des victimes de viols portent plainte, et seuls 1% de ces crimes feront l’objet d’une condamnation (INSEE-ONDRP, CVF, 2010-2015).
Les victimes de violences sexuelles sont confrontés à de très nombreux obstacles pour porter plainte.
En raison de la qualité des victimes qui sont principalement des enfants, des femmes, des personnes dicriminées, qui rendent ces violences particulièrement inhumaines.
Les enfants (et avant tout les filles) sont les principales victimes des viols et des tentatives de viols, 59% des femmes ayant subi des viols et des tentatives de viols étaient mineures au moment des faits, ainqi que 67% des hommes.
Les 1214 victimes de violences sexuelles qui ont participé à notre enquête IVSEA 2015, soutenue par l’UNICEF, sont 81% a avoir subi des violences sexuelles avant 18 ans, 51% avant 11 ans, 21% avant 6 ans.
La grande enquête scientifique de la revue internationale Pediatrics mené par Susan Hillis publiée et diffusée par l’OMS en 2016 montre qu’en moyenne dans le monde 1 fille sur 5 a subi des violences sexuelles en 2015.
Nous savons également que les filles et les femmes en situation de handicap sont beaucoup plus nombreuses à subir des de violences sexuelles.
En raison de leurs effets à long terme, bien plus que les délais de prescription actuels, et de la gravité des conséquences de ces violences sur la santé et la vie des victimes
Les violences sexuelles ont un impact grave sur la santé des victimes, et sont reconnues par l’OMS comme un problème de de santé publique majeur. Avoir subi des violences sexuelles dans l’enfance peut-être le déterminant principal de la santé 50 ans après (Felitti, 2010, Brown, 2009).
En raison de la fréquence d’amnésies traumatiques qui peuvent durer des décennies : quand elles retrouvent la mémoire des violences sexuelles qu’elles ont subies, il est souvent trop tard pour porter plainte.
59,3% des victimes de violences sexuelles dans l’enfance ont des périodes d’amnésie (Brière, 1993 notamment).
Des études prospectives (Williams, 1995, Widom, 1996) ont montré que 20 ans après les faits, 38% à 40% des jeunes femmes interrogées ne se rappelaient plus du tout les agressions sexuelles qu’elles avaient subies enfants.
En raison du déni, de la loi du silence et de la tolérance qui règnent sur ces violences
Lors de l’enquête IPSOS 2016 : Les français et les représentations sur le viol, 40% des français pensaient qu’une attitude provocante de la victime en public atténue la responsabilité du violeur…et plus de 20% considéraient que des femmes aiment être forcées et ne savent pas ce qu’elles veulent, etc.
Pour toutes ces raisons nous demandons que les crimes sexuels ainsi que les délits sexuels aggravés soient imprescriptibles, et qu’un plan de lutte et de protection-prise en charge des victimes, soit mis en place d’urgence par les pouvoirs publics.
Mobilisons-nous ! Vous pouvez soutenir ce manifeste par votre signature.
co-signataires : Mme Laure Salmona, chargée de mission de la campagne STOP AU DENI, Association FIT une femme un toit, FDFA Femmes pour le dire Femmes pour Agir : Femmes handicapées, citoyennes avant tout, Les Effronté-e-s, La Parole Libérée, IED Innocence En Danger, Association Neptune – Infomation, Entraide, recherche et Action sur les « malades » psy,CFCV Collectif féministe contre le viol, Céline Bardet Présidente de WWoW, MTV Monde à Travers un Regard, Collosse aux pieds d’argile, SOS-Sexisme, Véronique Philippe Présidente de Sortir du Silence. Mme Marie Rabatel, présidente de l’Association Francophone des Femmes AutistesMme Mie Kohiyama présidente de l’Association Moi Aussi Amnésie, Mme Caro Guesnier, association CIVIFF, Association Brise le Silence, Resonantes Association PEMREF FEMEN, Dr Claude Rosenthal président de l’ONG Gynécologie Sans Frontière Alliance des femmes pour la démocratie,SOS les Mamans, Aphilia prévention violences, Association AAEVP, Association REPPEA, Réseau Féministe « Ruptures ». Mme Michelle Meunier, sénatrice, vice-présidene de la DDFE du Séna Mme Pascale Vion, Présidente de la DDFE du CESEDre Judith Trinquart, secrétaire générale de l’association Mémoire Traumatique et ViictimologieSokhna Fall, vice-présidente de l’association Mémoire Traumatique et Vctimologie, Association Francophone des Femmes Autistes AFFA, Association Moi Aussi Amnésie
Annie Gourgue présidente de l’association La Mouette, Fédération GAMS.