Lettre de Lola Laffont suite à la Une de Libération et la lettre du violeur
Le CFCV relaie ce magnifique texte de Lola Lafont
suite à l’article de Libération donnant la parole à un violeur :
Quelle sale idée. Celle de publier la lettre d’un violeur en Une. Aujourd’hui. Quelle consternante idée de remettre la balle au centre entre une victime et son agresseur : un partout.
Une pleine page c’est le pouvoir. Le langage c’est le pouvoir et ça, il maîtrise, le violeur. Il a lu des livres féministes. Il a fait des études. Il sait dire.
A elle, on laisse le flou du « ressenti ». A lui, l’analyse sociologique, psychologique. Comme c’est original.
Aux victimes, les collages dans la rue. Ces collages arrachés, discutés, estimés trop ceci et pas assez cela.
Aux violeurs, les unes officielles.
Quelle banalité, cette lettre. On est des milliers à l’avoir reçue, cette lettre. Des milliers à avoir dû, après avoir été violées, endosser le rôle de celle qui écoute, qui est sommée de « comprendre » pourquoi le viol a eu lieu. Celle qui doit se partager en deux après avoir été écrasée.
Lettre qui pleurniche et qui insinue, quand même, qu’il y a des raisons au viol.
Sache le, Libé, recevoir une lettre de son violeur, ça brouille tout dans la tête de la victime. Ça, n’importe quel psy, n’importe quel avocat, flic, n’importe qui d’habitué à recevoir les plaintes pour viol conjugal, le confirmera.
Les lettres rationalisent. Elles expliquent. Subrepticement, elles mettent deux discours à égalité. Sache le, Libé, cette lettre ressemble en tous points à celle que j’ai reçue après.
La lettre que j’ai reçue, Libé, m’a tenue au silence pendant deux ans. J’ai pris cher. Cher à entendre qu’il m’aimait trop, c’était pour ça. Qu’il était malheureux c’était pour ça. Que la société l’avait mal éduqué, c’était pour ça. Que sa vie était détruite.
Cher à entendre les autres, autour de moi, compter les points :
- peut être que vous devriez discuter
- peut être que c’est un malentendu
- tu ne vas quand même pas l’envoyer en prison ?
Aujourd’hui, je pense à celles qui ne sont pas sorties du silence et qui viennent de s’y voir renvoyer. Ce choix « courageux » ne l’est pas, pas plus qu’il n’est novateur.
C’était l’ordre des choses et il est en train de se casser la gueule. Et c’est réjouissant et beau et inéluctable. Aujourd’hui, on est le #8Mars.
Prenez connaissance du courrier envoyé par le Collectif Féministe Contre le Viol et la Fondation des Femmes au Procureur de la République de Paris suite à la publication de cet article :