Tribune – « Pour installer une réelle politique d’Etat de protection de l’enfance, il faut maintenir la Ciivise »

TRIBUNE : "Pour installer une réelle politique d'Etat de protection de l'enfance, il faut maintenir la Ciivise"

Après deux ans d’appels à témoignages sur la ligne Violences sexuelles dans l’Enfance 0 805 802 804, l’équipe du Collectif féministe contre le Viol a répondu à des milliers d’appels de victimes, 80 % de femmes et 20 % d’hommes. Ces personnes ont partagé leurs difficultés, leurs doutes, leurs avancées, elles l’ont fait avec l’espoir que la société réagisse de façon plus efficace face aux violences sexuelles et que les enfants soient mieux protégés.

Encore récemment, sur la ligne, nous entendions comment l’inceste avait abîmé la vie de cette appelante et ôté celle de son petit frère qui s’est suicidé suite aux viols qu’ils avaient tous les deux subis de leur frère aîné. Comment leur mère avait protégé l’agresseur à l’époque et continuait de le faire encore aujourd’hui avec une extrême virulence à plus de 80 ans. Dans son témoignage, cette appelante soulignait l’importance d’un espace de parole comme celui-ci, confiant avec émotion que nous lui avions dit « plus en un appel, qu’en trente ans de thérapie ». Ces échanges nous rappellent à quel point les violences sexuelles ont des conséquences qui peuvent s’exacerber ou au contraire s’apaiser en fonction de la réponse de la société. La cellule familiale, les proches, les professionnel.le.s de santé, les professionnel.e.s de la justice et tant d’autres ont un rôle à jouer. Nous avons toutes et tous une responsabilité.

Les violences sexuelles sont des violences massives : 160 000 enfants victimes chaque année avec moins de 12 % des plaintes pour violences sexuelles sur mineur.e.s de moins de 15 ans qui aboutissent à une condamnation. D’un côté, une justice inefficace ; de l’autre, une attitude de reproche quand les victimes s’expriment dans les médias. Dans ce contexte, quels recours reste-t-il aux victimes pour être entendues ? La Ciivise, Commission indépendante sur l’Inceste et les Violences sexuelles faites aux Enfants, représente une prise en compte institutionnelle de leur parole. Et cela est essentiel. C’est le rôle de la Ciivise que de porter ensuite cette parole collective des victimes auprès des médias, de la population, des professionnel.le.s, des politiques.

Et c’est ce qu’elle a fait. La Ciivise a informé, la Ciivise a alerté. Des décennies de dysfonctionnements se sont vues pointés du doigt. Certains progrès ont été faits, des professionnel.e.s ont été sensibilisé.e.s, un décret est paru, la loi sur l’autorité parentale en cas d’inceste est en passe de changer. Mais deux ans pour tout changer, est-ce réellement suffisant ?

Le 21 septembre 2023, deux ans jour pour jour après le lancement de la ligne « Violences sexuelles dans l’Enfance », nous étions présentes aux côtés d’une victime d’inceste dans le cadre d’une audience portant sur des intérêts civils. Les faits de violences sexuelles ont été reconnus par la justice, force oblige, l’agresseur les a avoués. Et pourtant à cette audience, on demande à la victime de se placer face à l’agresseur, seule. Les faits de violences sexuelles ont été reconnus par la justice mais l’expertise psychologique qui émane de nos institutions indique que les nombreuses conséquences dont elle souffre aujourd’hui n’auraient aucun lien avec l’inceste qu’elle a subi. Dans ce cas précis, l’inceste paternel s’est accompagné d’un abandon familial. Dans ce cas précis, nous avons une grand-mère qui a d’abord dit à sa petite-fille que ce que l’agresseur avait commis, c’était parce qu’elle était trop jolie, c’était parce qu’il avait des pulsions, pour finalement la culpabiliser et la traiter de menteuse alors même que l’agresseur a avoué les faits et a été condamné. On considère donc que ces propos violents, injustes et répétés dans le temps n’auraient aucune conséquence dans la souffrance actuelle de la victime, ne seraient à l’origine d’aucun préjudice. Ce sont nos institutions qui le disent, aujourd’hui en 2023, deux ans après le lancement de la Ciivise.

Le 21 septembre 2023, deux ans jour pour jour après le lancement de la ligne « Violences sexuelles dans l’Enfance », un rassemblement a lieu devant le Palais de la Femme avant ce qui est annoncé comme la dernière réunion publique de la Ciivise à Paris. Ce rassemblement a lieu, car quelques jours avant, des gendarmes escaladent le mur de la propriété d’une mère qui cherche à protéger sa fille. Ces gendarmes défoncent la porte de son domicile, la plaquent au sol et la menottent devant sa fille de 2 ans et demi. Cette mère est ensuite escortée au tribunal, on lui rappelle ses obligations, à savoir remettre son enfant au père, même si ce dernier est mis en cause pour viol par les 3 aînés de la fratrie. L’indécence atteint son paroxysme quand on lui demande de cesser de communiquer sur les réseaux sociaux car les professionnel.e.s, dont les décisions sont critiquées, en souffriraient. Oui, on demande à ceux qui parlent de se taire. Pendant ce temps, d’autres agents restent avec l’enfant et font venir le père au domicile de la mère, ses affaires sont fouillées et volées, les données de son téléphone, intégralement effacées. L’homme mis en cause pour viol repart avec l’enfant en remerciant les gendarmes et en demandant à l’enfant de 2 ans et demi de les remercier également. Punir une mère serait donc plus important que protéger une enfant. Ce sont nos institutions qui le disent, ce sont nos institutions qui l’organisent, aujourd’hui en 2023, deux ans après le lancement de la Ciivise.

Cela fait des décennies que les associations de lutte contre les violences sexuelles et les associations de protection de l’enfance dénoncent ces violences à l’encontre des enfants et les dysfonctionnements des institutions. Peut-on sincèrement penser que ces violences sexuelles, sociales, familiales, institutionnelles qui persistent depuis des années puissent trouver une issue après seulement deux ans de travail sur le sujet ?

Non. Non, le Collectif féministe contre le Viol ne pense pas que le travail de la Civiise soit terminé, nous pensons même qu’il serait naïf de le penser.

Ces deux années de Ciivise ont été un premier souffle pour écouter, pour soutenir, et pour dire aux victimes qu’une politique de protection est possible. C’est une étape qui a apporté du réconfort et de l’espoir. Comme nous l’ont dit Sophia, Isabelle, Thomas et tant d’autres : « Merci d’exister, merci pour ce que vous faites pour nous. » « C’est important pour nous, les enfants massacrés, d’être entendus, je suis très reconnaissante d’avoir pu m’exprimer publiquement. » Mais ce que ces personnes nous disent également c’est : « Le service de la Ciivise, il doit rester ouvert, on en a besoin. »

En janvier 2021, Adrien Taquet écrivait en propos liminaires de sa lettre de mission : « La prévention et la lutte contre toutes les violences sexuelles subies dans l’enfance et particulièrement l’inceste constituent un enjeu de société majeur. » Parmi les consignes adressées à la Ciivise figurait notamment l’objectif de « proposer une réponse aux victimes dans la durée. » Et nous sommes bien d’accord.

Maintenant qu’un premier état des lieux a été dressé par la Ciivise, il convient de se poser la question de la protection que nous souhaitons construire et des moyens que nous sommes prêts à nous donner. La protection de l’enfance ne doit pas uniquement s’inscrire dans les objectifs à court terme d’un mandat gouvernemental, la protection de l’enfance doit s’inscrire dans une politique d’Etat.

Après quarante ans de lutte, le Collectif féministe contre le Viol et les associations féministes et de protection de l’enfance souhaitent qu’une instance indépendante conduise la construction de cette politique publique et en effectue l’évaluation continue. Cette instance existe déjà. Reste à savoir si l’Etat fera preuve d’une réelle volonté politique et maintiendra la Ciivise, pour les victimes et pour toutes celles et ceux qui œuvrent à leurs côtés.

Premiers signataires :
Collectif féministe contre le Viol
Fédération nationale Solidarité Femmes
Fédération nationale des CIDFF
Mouvement français du Planning familial
La Fondation des Femmes
Face à l’inceste
Enfance et Partage
CDP – Enfance, Comprendre, Défendre et Protéger l’Enfance
Collectif Prévenir et Protéger
La Fondation pour l’Enfance

Liste complète des signataires :
https://cfcv.asso.fr/tribune-signataires/

 

Tribune également disponible sur : https://www.nouvelobs.com/opinions/20231113.OBS80770/pour-installer-une-reelle-politique-d-etat-de-protection-de-l-enfance-il-faut-maintenir-la-ciivise.html

 

Viols Femmes Informations
0 800 05 95 95

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

Violences Sexuelles dans l’Enfance
0 805 802 804

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

Évènement – Ciné-débat : projection du film « Les Chatouilles » réalisé par Andréa Bescond et Eric Métayer

Evènement

Ciné-débat : projection du film "Les Chatouilles" réalisé par Andréa Bescond et Eric Métayer

A l’occasion de la journée internationale contre les violences faites, nous vous proposons d’assister gratuitement à la projection du film « Les Chatouilles » réalisé par Andréa Bescond et Éric Métayer.

Synopsis : Odette, 9 ans, est violée par un ami de ses parents. Parvenue à l’âge adulte et devenue danseuse, elle se bat pour survivre et faire entendre son histoire.

La projection sera suivie d’un temps de discussion en présence de :
Edouard Durand, Co-président de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants ;

Emmanuelle Piet, Présidente du Collectif Féministe Contre le Viol ;

Shirley Wirden, adjointe au maire en charge de l’égalité femme-homme et de la protection de l’enfance.

On vous donne rendez-vous le 21 novembre à 19h
espace Jean Dame – 17 rue Léopold Bellan, 75002 Paris

Lien de la billetterie : https://www.helloasso.com/associations/cfcv/evenements/les-chatouilles-ou-l-impact-des-violences-sexuelles-de-l-enfance-a-l-age-adulte?utm_source=user&utm_medium=email-transac&utm_campaign=NOTIFICATION_INSCRIPTION

Attention, les places sont limitées !

Viols Femmes Informations
0 800 05 95 95

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

Violences Sexuelles dans l’Enfance
0 805 802 804

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 27 SEPTEMBRE 2023 – PORNOCRIMINALITÉ : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique !

COMMUNIQUÉ DE PRESSE PORNOCRIMINALITÉ : Mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique !

Viols Femmes Informations
0 800 05 95 95

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

Violences Sexuelles dans l’Enfance
0 805 802 804

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

Tribune : « Monsieur le président de la République, le coût du maintien de la CIIVISE est dérisoire face au coût du déni »

TRIBUNE : « Monsieur le président de la République, le coût du maintien de la CIIVISE est dérisoire face au coût du déni »

 Paris, le 07 septembre 2023


Extrait de la tribune :

« Plusieurs d’entre nous se sont rendus aux réunions publiques de la commission. Elles ont lieu partout en France. Certaines personnes viennent parfois de très loin pour y participer. Nous les avons vues se lever, saisir le micro, témoigner dans la confiance et la solidarité. Nous avons partagé la souffrance et l’espoir, la colère aussi.

Et nous avons compris que la CIIVISE réparait une injustice.

Nous, nous avons accès aux médias. Aux autorités. On nous écoute et on nous croit. Nous en avons besoin.

A la CIIVISE, tous les témoignages sont recueillis. Ainsi, les 5,5 millions de victimes de violences sexuelles dans leur enfance ne sont plus isolées. Elles sont ensemble et plus fortes. Elles existent.

La mission de la CIIVISE ne se résume pas à produire des chiffres et des recommandations. Aujourd’hui, trois à cinq enfants par classe sont victimes d’inceste et condamnés au silence. »

 

Article à lire en intégralité, ici.

 

Signataires : Mona Achache, réalisatrice et scénariste ; Christine Angot, autrice ; Saïrati Assimakou, présidente de l’association de lutte contre les violences sexuelles Souboutou Ouhédzé Jilaho − Ose libérer ta parole ; Lauren Bastide, journaliste et autrice ; Emmanuelle Béart, actrice ; Anne Benoît, actrice ; Charles Berling, acteur ; Adelaïde Bon, autrice et comédienne ; Rachida Brakni, actrice ; Iris Brey, journaliste et autrice ; Laure Calamy, actrice ; Eric Cantona, acteur ; Isabelle Carré, actrice et écrivaine ; Judith Chemla, actrice ; Caroline Deruas, réalisatrice, scénariste et actrice ; Vikash Dhorasoo, ancien footballeur international ; Cyril Dion, cinéaste et écrivain ; Alice Diop, réalisatrice ; Constance Dollé, actrice ; Paoline Ekambi, cheffe d’entreprise, ancienne championne de basketball ; Audrey Estrougo, réalisatrice et scénariste ; Sokhna Fall, thérapeute familiale, victimologue, ethnologue, vice-présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie ; Flavie Flament, journaliste et autrice ; Giulia Foïs, journaliste et essayiste ; Camille Froidevaux-Metterie, philosophe ; Gérard Garouste, artiste-peintre ; Julie Gayet, actrice ; Sara Giraudeau, actrice ; Pierre Henry, directeur d’association ; Clotilde Hesme, actrice ; Axelle Jah Njiké, autrice afropéenne, podcastrice et dramaturge ; Camille Kouchner, autrice ; Xavier Legrand, réalisateur ; Lio, chanteuse ; Maud Lübeck, chanteuse ; Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes ; Sara Martins, actrice ; Corinne Masiero, actrice ; Denis Ménochet, acteur ; Anastasia Mikova, réalisatrice ; Anna Mouglalis, actrice ; Sandra Nkaké, artiste, autrice-compositrice, chanteuse ; Emmanuel Noblet, acteur et metteur en scène ; Michelle Perrot, historienne ; Alix Poisson, actrice ; Claude Ponti, dessinateur ; Caroline Proust, actrice ; Charlotte Pudlowski, journaliste et autrice ; Sophie Reine, monteuse ; Muriel Robin, actrice ; Ludivine Sagnier, actrice ; Neige Sinno, autrice ; Leïla Slimani, autrice ; Bruno Solo, acteur ; Vanessa Springora, autrice ; Sylvie Testud, actrice ; Mélissa Theuriau, productrice ; Victoire Tuaillon, journaliste.

 

Viols Femmes Informations
0 800 05 95 95

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

Violences Sexuelles dans l’Enfance
0 805 802 804

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

“Le coût du déni” – Avis de la CIIVISE du 12 juin 2023

Violences faites aux enfants : le coût du déni.

CIIVISE - Avis du 12 juin 2023

« Le coût du déni, c’est que ce que nous coûtent les agresseurs chaque année. C’est le coût de leur impunité, des conséquences à long terme des violences sexuelles pour les victimes et de notre passivité. Le coût du déni, c’est 9,7 milliards d’euros chaque année.

En estimant le coût économique annuel des violences sexuelles subies dans l’enfance, la CIIVISE entend contribuer à la prise de conscience de l’ampleur et de la gravité des violences sexuelles faites aux enfants. Chaque chiffre, chaque poste de coût doit d’abord être lu comme révélateur des souffrances endurées par les victimes.

Pour parvenir à déterminer le coût annuel des violences sexuelles faites aux enfants, la CIIVISE a confié cette étude au cabinet Psytel, qui avait réalisé l’évaluation du coût annuel des violences conjugales.

Le coût des conséquences à long terme des violences sexuelles sur la santé des victimes représente près de 70% du coût total. L’absence de prise en charge du psychotraumatisme est la cause principale de ces conséquences à long terme. Le présent perpétuel de la souffrance dont la CIIVISE parle incessamment, doit être pris en compte d’abord par respect pour les victimes elles-mêmes, mais aussi pour son impact social et économique.

Dans ses conclusions intermédiaires du 31 mars 2022, la CIIVISE avait préconisé que les soins spécialisés du psychotraumatisme soient garantis pour les enfants victimes comme pour les adultes ayant été victimes de violences sexuelles dans leur enfance. C’est d’abord un impératif collectif à l’égard de chaque victime. C’est aussi un objectif de santé publique. C’est la raison pour laquelle la CIIVISE préconise la mise en place et le financement d’un parcours de soins spécialisés en psychotraumatisme de 20 à 33 séances réparties sur une année et renouvelables selon les besoins des victimes. Elle préconise également que l’intégralité du coût du parcours de soins spécialisés du psychotraumatisme, incluant les soins somatiques, psychologiques/psychiatriques et psycho-corporels soit pris en charge par la Solidarité nationale.

Cruciale, urgente, cette mesure n’est cependant pas suffisante. Les victimes le disent : elles ont aussi « besoin vraiment de témoigner, de parler, de dire ce qu’il en est » et d’entendre leurs récits résonner au-delà des tribunaux et des cabinets médicaux. En recueillant leur récit, la CIIVISE atteste de leur reconnaissance par la société française. Cela ne peut pas être une parenthèse. La CIIVISE ne peut pas « éteindre la lumière ». Elle doit être maintenue après décembre 2023. »

La CIIVISE

 

Viols Femmes Informations
0 800 05 95 95

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h

Violences Sexuelles dans l’Enfance
0 805 802 804

Anonyme et gratuit, y compris depuis les portables
Du lundi au vendredi, de 10h à 19h