Véronique, sœur d’une femme assassinée par son mari, demande des comptes à l’Etat …en appel !

Véronique, sœur de la victime, a engagé une action contre l’Etat pour « dysfonctionnement pour faute lourde ». Le 30 septembre 2009, elle a été déboutée en première instance par le Tribunal de Grande Instance de Paris, notamment au motif que « rien n’aurait pu laisser supposer un tel acte de la part de cet homme »  !

Pourtant, les services judiciaires avaient connaissance des faits. Durant quinze années : viols, violences, actes de torture et de barbarie avaient tenu au secret une femme terrorisée qui, devant le risque vital, avait finalement eu le courage de fuir.

Elle avait trouvé le courage de déposer plainte : une plainte détaillée, précise, circonstanciée, étayée par les multiples preuves et enregistrements vidéo recueillis par les enquêteurs lors de la perquisition du domicile conjugal. Acculé par ces preuves, celui-ci avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Les lourdes accusations portées par sa victime auraient pu valoir à leur auteur une peine de 20 ans de prison. Les preuves de la réitération de menaces de mort étaient, elles aussi, dûment établies.

Au vu de ces éléments d’une particulière gravité, le Parquet avait requis un placement en détention provisoire et le juge d’instruction avait donné un avis favorable à la détention.

Pourtant, rien de tout cela n’a conduit à une décision protectrice assurant la sécurité de la plaignante. Pour le magistrat concerné, priver le mis en cause de la liberté d’aller et venir n’est pas apparu « justifié ni pour les nécessités de l’instruction, ni à titre de mesure de sûreté ». Malgré les preuves multiples, le Juge des Libertés et de la Détention a prononcé la remise en liberté.

Le 19 juin 2007, le mis en cause a parcouru 300 kilomètres dans la nuit pour assassiner son épouse en tirant sur elle à onze reprises, en pleine rue, en présence de deux collègues et de passants  terrorisés, avant de se suicider.

Cependant, le 30 septembre 2009, le Tribunal a débouté Véronique, sa sœur, de ses demandes. La Cour statuera en appel le mercredi 19 janvier 2011 à 14 heures.

Dans ce drame, ni la parole d’une femme victime, ni les éléments de preuve recueillis par les services de police, ni la réquisition du Parquet, ni  la dangerosité de l’auteur n’ont été pris au sérieux. Disposant de l’intégralité du dossier pénal, la justice avait les moyens de prévenir cet  assassinat. Elle n’a pas agi et porte une responsabilité dans cette issue fatale. Dans ce drame et dans combien d’autres encore ? Jusqu’à quand l’institution judiciaire se refusera-t-elle a reconnaître la dangerosité des agresseurs lorsque leurs victimes sont des femmes ou des enfants ?

Depuis la loi du 10 juillet 2010, les victimes de violences conjugales peuvent demander qu’une ordonnance de protection assure leur sécurité face à un partenaire dangereux. Avec ces victimes en danger, avec les associations de lutte contre les violences à l’encontre des femmes, le Collectif Féministe Contre le Viol attend de la justice qu’elle assume cette mission.

L’année 2010 vient de s’achever, la lutte contre les violences faites aux femmes avait été labellisée « Grande cause nationale ». Les associations ont multiplié les occasions d’informer de la fréquence et de la gravité des violences masculines envers les femmes, notamment dans le couple. En effet, chaque année, en France,  près de 150 femmes sont tuées par leur conjoint.

En attribuant ce label, l’Etat montrait l’importance qu’il accorde à ces innombrables violences quotidiennes. Il faut maintenant joindre les actes à la parole. Non seulement, les dispositions législatives récemment renforcées doivent prévenir la perpétuation de crimes à ce point prévisibles, mais il est temps de surcroît d’accorder foi à la parole de femmes qui font appel à la justice pour garantir leur droit de vivre en sécurité.

Nous demandons à l’institution judiciaire de reconnaître sa responsabilité quand elle a failli dans la mise en œuvre des mesures appropriées pour prévenir ces crimes. Tout doit être fait pour que la violence d’un conjoint n’aille pas jusqu’au meurtre.

Le Collectif Féministe contre le Viol* présent aux côtés de Véronique au tribunal de Paris en septembre 2009 sera également auprès d’elle le 19 janvier 2011 lors de l’audience au TGI de Paris.

* :Le Collectif Féministe contre le Viol anime la permanence nationale « Viols-Femmes-Informations » 0.800.05.95.95., un numéro vert pour soutenir les victimes et leur entourage. A ce jour, prés de 40000 victimes ont été accueillies sur cette ligne.