Le viol : toujours un crime d’exception ?

Le viol : toujours un crime d’exception ?

Intégrer la notion de consentement à la définition pénale d’un crime avait-il déjà été proposé ?

Par exemple, a-t-on déjà soumis l’idée de modifier la définition pénale du meurtre en intégrant la notion de consentement de la victime à cette même définition ? Le meurtre actuellement défini par « le fait de donner volontairement la mort à autrui » est défini par l’acte du meurtrier. A-t-on déjà seulement pensé à rajouter à cette définition la question de la place de la victime face à l’acte meurtrier et ainsi définir le meurtre par :« le fait de donner volontairement la mort à autrui et qu’autrui n’y consente pas ».

C’est aujourd’hui une proposition qui s’installe en France à propos d’un autre crime, le crime de viol. Les actuels débats européens entraînent des échanges sur l’opportunité d’ajouter ou non la notion de « non consentement » dans la définition légale du crime de viol.

Définition du consentement et incompatibilité avec le crime de viol.

Comment définir le consentement ? Selon le Larousse le consentement est « l’action de consentir, donner son accord ». Une personne propose à une autre qui donne, ou non, son accord. C’est de plus en plus comme cela que la sexualité est définie : un acte sexuel est proposé, on l’accepte, ou on le refuse.

Cette notion prend place aujourd’hui dans le débat public à propos d’une définition de la sexualité.

Résurgence archaïque et persistante, cet amalgame, qui confond violence et sexualité, fait écho aux siècles de domination patriarcale qui nous ont précédés.

Lorsqu’un viol est commis : c’est une violence qui est commise et non de la sexualité. Aucun choix n’est offert à la victime. L’acte n’est pas proposé mais imposé. Le violeur cherche à accomplir son projet d’acte sexuel quelle que soit l’expression du refus de sa victime traduit verbalement ou physiquement par sa souffrance, son malaise, sa terreur, et, parfois, son incapacité à parler, crier, se défendre.

Une personne victime de viols conjugaux nous rapportait qu’au terme de deux années de vie maritale et après deux grossesses, elle n’avait plus envie d’avoir de rapports sexuels. Elle nous confiait alors que « lui, il voulait absolument un rapport ». Pour l’obtenir l’acte de pénétration, l’agresseur insistait jusqu’à l’empêcher de dormir. Elle nous confiait : « j’ai lâché », « j’avais pas le choix ». Il lui reprochait de ne jamais avoir envie et lui disait « merci » après les viols. Le lendemain, il s’excusait, elle « devait le comprendre, il n’arrivait pas à gérer ses pulsions ».

Lorsqu’un viol est commis : l’agresseur a ciblé la victime, il sait qui il va violer et comment. Il agit dans un contexte vulnérabilisant pour elle, propice pour lui. Il l’humilie, la dévalorise, la traite comme un objet. Le climat est celui de la terreur, aucune proposition ne peut être acceptée sous terreur. Il agit quand la victime a peur, est sidérée, n’a plus d’espace. Il viole une ou plusieurs fois en s’organisant pour le faire. Pour garantir son impunité, il inverse les rôles : c’est lui la victime, il n’a pas compris – elle était consentante. Il lui demande de se taire, de ne plus en parler. Dans bien des cas, il continuera de la menacer, l’intimider, l’humilier pour qu’elle se taise.

Souvent, l’agresseur va obtenir de la victime un “oui” sous contrainte pour lui marteler par la suite qu’elle est responsable de la situation.

Nous pensons, entre autres situations, aux contrats de consentement signés dans l’industrie pornographique et aux nombreux viols commis sous couvert de ces « contrats ». Nous pensons également, aux articles 212 et 215 du Code civil évoquant le devoir de fidélité et de communauté de vie comme éléments contractuels du mariage qui permettent encore aujourd’hui de poursuivre une femme pour non-respect du devoir conjugal (280 jugements civils depuis 1980). En France, en 2023, les victimes de viols conjugaux ont consenti par contrat à leur situation selon le code civil.

Comment déposer plainte quand on a signé un contrat ? Quand on a finalement formulé « oui » sous la terreur, sous la pression, sous la contrainte ? Et que ce « oui » nous décourage à se penser victime de viols ?

Ces constats sont ceux issus des 75 000 témoignages reçus à la permanence nationale « Viols Femmes Informations – 0 800 05 95 95 » depuis 1986.

 
L’idée du consentement est déjà partout, et reste néfaste en droit.

Nous étions contactées par Charlotte[1], victime de viol par un de ses collègues de travail. Elle avait déposé plainte. Les policiers lui ont demandé pourquoi elle “ne dénonçait l’agresseur qu’au bout de trois viols ? ”. Les policiers lui ont finalement dit qu’elle était consentante et que c’était une vengeance parce qu’il l’avait larguée. En 2023, nous recevons toujours des témoignages similaires de victimes sur nos lignes (Cf. campagne du 25 novembre du CFCV sur les réseaux sociaux).

Dans le traitement pénal des viols, la question du consentement de la victime est toujours abordée. La notion n’est nulle part en droit mais l’idée est déjà partout. Le possible consentement de la victime à la situation est automatiquement mis en avant dans les médias, par la justice, par la société : « Qu’a-t-elle fait ? » « Que n’a t-elle pas fait ? » « Où était-elle ? », « Qu’a-t-elle dit ? », « Que n’a-t-elle pas dit ? ». Découlent de ces questionnements, la possible « erreur d’interprétation de l’agresseur », et l’« incompréhension de la situation ». Finalement, de ces questions à la victime découle l’impunité de l’agresseur.

Inscrire la notion de “non-consentement” dans la définition du viol reviendrait à renforcer ces questions tout au long de la procédure pour la victime.

Dans le débat actuel il est avancé qu’une nouvelle définition pénale permettrait une meilleure judiciarisation des viols. En Angleterre, où la notion de “non-consentement” de la victime est inscrite dans la loi, moins de 1% des viols sont condamnés. L’état du traitement judiciaire des viols est le miroir d’une société patriarcale embourbée dans les inégalités entre les femmes et les hommes. Cette même inégalité a pour base solide le viol structurel des femmes et des enfants.

Dans ce contexte patriarcal, la bonne foi des victimes est encore trop souvent mise en cause. C’est un leurre de penser qu’elles seront crues parce qu’elles diront : « Je ne voulais pas ». Quand les victimes déposent plainte, elles le disent déjà.

Qu’elles portent plainte pour viol est une forte affirmation de leur confiance civique dans notre système judiciaire. Reste à celui-ci de statuer dans le respect du droit qui criminalise l’acte de viol.

Les dysfonctionnements graves auxquels elles sont confrontées après un dépôt de plainte découlent des questions posées sur leur consentement à la situation et portent finalement atteinte à leur sécurité et leur intégrité physique. La mise en doute, la minimisation voire la négation de leur parole, et de leur souffrance dans les enquêtes pénales ont pour conséquences la dramatique absence de protection des victimes et de condamnation des agresseurs.

Cet état de la Justice serait lourdement aggravé si la notion de « non-consentement » venait modifier l’actuelle définition pénale du viol.

L’enjeu que constituent l’impunité des agresseurs et l’accès des femmes et des enfants à leurs droits d’être protégé-e-s par le droit ne réside pas dans une mise en lumière de leur position pendant les violences sexuelles. Cet enjeu réside dans la volonté d’une société et d’une justice à mettre au jour et condamner le comportement des violeurs.

Le viol car il est un crime commis sur les femmes et les enfants reste un crime d’exception.

Ces discussions actuelles nous laissent penser que le viol serait un crime à part. Un crime où les débats sont toujours replacés d’une façon ou d’une autre sur la victime. Pour ce crime, comme pour les autres, pourquoi ne pas continuer à questionner, enquêter, condamner ce que fait l’agresseur et ainsi mieux comprendre les contraintes, les violences, menaces, ou la surprise qu’il a pu exercer dans un contexte donné.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a déjà condamné un État membre en 2021, l’Italie, pour violation de l’article 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme (respect de la vie privée) en l’espèce la CEDH a estimé que la juridiction nationale avait porté atteinte au respect de la vie privée de la victime en faisant référence à ses pratiques sexuelles et ses comportements au cours des débats.

Questionner le comportement de la victime (pour savoir si elle a ou n’a pas consenti à la situation) dans la définition légale est une porte grande ouverte à ces dérives déjà existantes dans notre société où le pouvoir du mâle a de beaux restes !

[1] Le prénom a été changé.

Communiqué de presse – Stop aux attaques contre le mouvement féministe ! Nous refusons l’instrumentalisation de nos luttes.

Communiqué de presse

Stop aux attaques contre le mouvement féministe ! Nous refusons l'instrumentalisation de nos luttes.

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Évènement – Ciné-débat : projection du film « Les Chatouilles » réalisé par Andréa Bescond et Eric Métayer

Evènement

Ciné-débat : projection du film "Les Chatouilles" réalisé par Andréa Bescond et Eric Métayer

A l’occasion de la journée internationale contre les violences faites, nous vous proposons d’assister gratuitement à la projection du film « Les Chatouilles » réalisé par Andréa Bescond et Éric Métayer.

Synopsis : Odette, 9 ans, est violée par un ami de ses parents. Parvenue à l’âge adulte et devenue danseuse, elle se bat pour survivre et faire entendre son histoire.

La projection sera suivie d’un temps de discussion en présence de :
Edouard Durand, Co-président de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants ;

Emmanuelle Piet, Présidente du Collectif Féministe Contre le Viol ;

Shirley Wirden, adjointe au maire en charge de l’égalité femme-homme et de la protection de l’enfance.

On vous donne rendez-vous le 21 novembre à 19h
espace Jean Dame – 17 rue Léopold Bellan, 75002 Paris

Lien de la billetterie : https://www.helloasso.com/associations/cfcv/evenements/les-chatouilles-ou-l-impact-des-violences-sexuelles-de-l-enfance-a-l-age-adulte?utm_source=user&utm_medium=email-transac&utm_campaign=NOTIFICATION_INSCRIPTION

Attention, les places sont limitées !

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COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 27 SEPTEMBRE 2023 – PORNOCRIMINALITÉ : mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique !

COMMUNIQUÉ DE PRESSE PORNOCRIMINALITÉ : Mettons fin à l’impunité de l’industrie pornographique !

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Tribune : « Monsieur le président de la République, le coût du maintien de la CIIVISE est dérisoire face au coût du déni »

TRIBUNE : « Monsieur le président de la République, le coût du maintien de la CIIVISE est dérisoire face au coût du déni »

 Paris, le 07 septembre 2023


Extrait de la tribune :

« Plusieurs d’entre nous se sont rendus aux réunions publiques de la commission. Elles ont lieu partout en France. Certaines personnes viennent parfois de très loin pour y participer. Nous les avons vues se lever, saisir le micro, témoigner dans la confiance et la solidarité. Nous avons partagé la souffrance et l’espoir, la colère aussi.

Et nous avons compris que la CIIVISE réparait une injustice.

Nous, nous avons accès aux médias. Aux autorités. On nous écoute et on nous croit. Nous en avons besoin.

A la CIIVISE, tous les témoignages sont recueillis. Ainsi, les 5,5 millions de victimes de violences sexuelles dans leur enfance ne sont plus isolées. Elles sont ensemble et plus fortes. Elles existent.

La mission de la CIIVISE ne se résume pas à produire des chiffres et des recommandations. Aujourd’hui, trois à cinq enfants par classe sont victimes d’inceste et condamnés au silence. »

 

Article à lire en intégralité, ici.

 

Signataires : Mona Achache, réalisatrice et scénariste ; Christine Angot, autrice ; Saïrati Assimakou, présidente de l’association de lutte contre les violences sexuelles Souboutou Ouhédzé Jilaho − Ose libérer ta parole ; Lauren Bastide, journaliste et autrice ; Emmanuelle Béart, actrice ; Anne Benoît, actrice ; Charles Berling, acteur ; Adelaïde Bon, autrice et comédienne ; Rachida Brakni, actrice ; Iris Brey, journaliste et autrice ; Laure Calamy, actrice ; Eric Cantona, acteur ; Isabelle Carré, actrice et écrivaine ; Judith Chemla, actrice ; Caroline Deruas, réalisatrice, scénariste et actrice ; Vikash Dhorasoo, ancien footballeur international ; Cyril Dion, cinéaste et écrivain ; Alice Diop, réalisatrice ; Constance Dollé, actrice ; Paoline Ekambi, cheffe d’entreprise, ancienne championne de basketball ; Audrey Estrougo, réalisatrice et scénariste ; Sokhna Fall, thérapeute familiale, victimologue, ethnologue, vice-présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie ; Flavie Flament, journaliste et autrice ; Giulia Foïs, journaliste et essayiste ; Camille Froidevaux-Metterie, philosophe ; Gérard Garouste, artiste-peintre ; Julie Gayet, actrice ; Sara Giraudeau, actrice ; Pierre Henry, directeur d’association ; Clotilde Hesme, actrice ; Axelle Jah Njiké, autrice afropéenne, podcastrice et dramaturge ; Camille Kouchner, autrice ; Xavier Legrand, réalisateur ; Lio, chanteuse ; Maud Lübeck, chanteuse ; Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes ; Sara Martins, actrice ; Corinne Masiero, actrice ; Denis Ménochet, acteur ; Anastasia Mikova, réalisatrice ; Anna Mouglalis, actrice ; Sandra Nkaké, artiste, autrice-compositrice, chanteuse ; Emmanuel Noblet, acteur et metteur en scène ; Michelle Perrot, historienne ; Alix Poisson, actrice ; Claude Ponti, dessinateur ; Caroline Proust, actrice ; Charlotte Pudlowski, journaliste et autrice ; Sophie Reine, monteuse ; Muriel Robin, actrice ; Ludivine Sagnier, actrice ; Neige Sinno, autrice ; Leïla Slimani, autrice ; Bruno Solo, acteur ; Vanessa Springora, autrice ; Sylvie Testud, actrice ; Mélissa Theuriau, productrice ; Victoire Tuaillon, journaliste.

 

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