Paris, le 20 juillet 2023
80 personnalités et associations, actrices et acteurs de la lutte contre les violences faites aux enfants et aux femmes, alertent sur le risque de deux graves reculs à venir en ce qui concerne la protection des enfants victimes et de leur parole.
1. Le risque d’une abrogation de la loi du 21 avril 2021
Le 21 juillet, le Conseil constitutionnel rendra une décision cruciale pour la protection des mineurs victimes de violences sexuelles en se prononçant sur la constitutionnalité de la loi du 21 avril 2021 qui réprime le viol sur mineur de moins de 15 ans[1]. Le Conseil constitutionnel est saisi par un homme actuellement mis en examen pour viol commis sur mineur avec une différence d’âge d’au moins 5 ans sur le fondement de la loi dont il demande l’abrogation. Afin d’échapper à sa condamnation, il a présenté cette QPC (question prioritaire de constitutionnalité) et demande « l’abrogation immédiate » de cette loi.
La décision qui sera rendue est extrêmement importante car elle pourrait remettre en cause la loi du 21 avril 2021, une loi qui permet la protection des enfants victimes de viols, d’agression sexuelle et d’inceste.
… grâce à cette loi, lorsqu’un adulte commet un acte bucco-génital ou pénètre sexuellement un enfant de moins de 15 ans, dès lors qu’ils ont au moins 5 ans de différence d’âge, c’est un viol. C’est un crime, la loi de 2021 l’interdit.
… grâce à cette loi, si un adulte touche les seins, les fesses, le sexe ou l’entrecuisse d’un enfant de moins de 15 ans, dès lors qu’ils ont au moins 5 ans de différence d’âge, c’est une agression sexuelle. C’est un délit, la loi de 2021 l’interdit.
… grâce à cette loi, dès qu’un adulte commet un acte bucco-génital ou pénètre sexuellement un enfant de sa famille[2], c’est un viol incestueux. C’est un crime, la loi de 2021 l’interdit.
… grâce à cette loi, dès qu’un adulte touche les seins, les fesses, le sexe ou l’entrecuisse d’un enfant de sa famille, c’est une agression sexuelle incestueuse. C’est un délit, la loi de 2021 l’interdit.
La loi de 2021 a été un grand pas en avant, en ce qu’elle reconnaît qu’un mineur de moins de 15 ans n’est pas en état de consentir à un acte sexuel commis par un adulte. Le déséquilibre entre l’adulte et l’enfant est une contrainte en soi qui constitue le viol.
Remettre en cause cette loi, c’est revenir à une situation, où, dès l’âge de 4 ans, un enfant qui avait été pénétré par un adulte devait prouver la contrainte, la menace, la violence ou la surprise. Autrement dit, les lois et ceux qui les appliquent estimaient qu’un enfant de 5 ans pouvait consentir.
2. La disparition programmée de la CIIVISE à l’automne
Pour arriver à la loi du 21 avril 2021, il a fallu une détermination sans faille des victimes de viols, du grand public, de la société civile et des associations spécialisées. Des témoignages médiatisés (La Familia Grande, Le consentement, La petite fille sur la banquise…), le procès de Pontoise, 600 000 signatures pour la pétition « Viol d’enfant : changeons la loi car un enfant n’est jamais consentant », le mouvement MeToo, MeTooInceste…
L’Etat avait répondu à ce besoin d’écoute par la création de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Les 25 000 témoignages recueillis par celle-ci ont permis de formuler des recommandations essentielles pour l’amélioration de notre réponse institutionnelle :
Louise, victime d’inceste par son père pendant 12 ans : « j’ai l’impression que personne ne m’a crue, on remettait toujours en cause ma parole. Ce qui m’a aidée à tenir, c’est l’espoir. Et cet échange avec vous me permet de garder espoir sur le fait que les choses peuvent évoluer. Merci. «
Le 13 juillet dernier, lors d’une audition, la Secrétaire d’Etat à l’enfance a pourtant évoqué la “fin des travaux de la CIIVISE” à l’automne.
La peur pour nous d’un retour à zéro est réelle. Aujourd’hui l’État est à un tournant historique : faire taire les victimes, ou donner un second souffle à leur parole. Le 21 juillet 2023, la décision du Conseil Constitutionnel marquera notre histoire. Par sa voix, l’État dira aux victimes Parlez ou elle leur dira Taisez-vous.
[1] articles 222-23-1 et 222-23-3 du Code pénal
[2] père, mère, grand-père, grand-mère, frère, sœur, oncle, tante, grand-oncle, grande-tante, neveux, nièce, conjoint / concubin, ou partenaire lié par un pacte de solidarité à l’une des personnes précisément citée s’il a une autorité de droit ou de fait sur le mineur).
Signataires :
Emmanuelle Piet, Présidente du Collectif Féministe Contre le Viol
Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des Femmes
Camille Kouchner, avocate, universitaire, autrice de La Familia Grande
Adélaïde Bon, Comédienne et écrivaine, autrice de La petite fille sur la banquise
Élisabeth Moreno, Ancienne Ministre à l’égalité femmes-hommes
Annick Billon, Sénatrice
Michelle Meunier, Sénatrice
Laurence Rossignol, Sénatrice, ancienne Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes
Hélène Bidard, Adjointe (PCF) à la ville de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, de la jeunesse et de l’éducation populaire
Ernestine Ronai, Responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes de la Seine Saint Denis
Edouard Durand, magistrat et coprésident de la Ciivise (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants)
Jocelyne Adriant Mebtoul, Membre du HCE, Fondatrice Femmes du monde et réciproquement
Yasmina Bedar, Association Yalla
Suzanne Bellnoun, Organisation des Femmes Africaines de la Diaspora (OFAD)
Jean-Marc Ben Kemoun, psychiatre, pédopsychiatre et médecin légiste
Dr Catherine Bonnet, Psychiatre
Danielle Bousquet, Présidente de la Fédération nationale de centres d’information des droits des femmes et des familles (FNCIDFF)
Françoise Brié, Directrice générale de la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF)
Christelle Charrier, Conseillère municipale de Villiers, membre de ECVF
Dr Claire Noëlle Collardey, Gynécologue
Michèle Créoff, Juriste spécialiste de la protection de l’enfant, ex Vice-présidente du Conseil National de protection de l’Enfance
Blandine Deverlanges, WDI France – Noues Femmes
Mathilde Delespine, Sage Femme coordinatrice du projet maison des Femmes Rennes
Yseline Fourtic-Dutarde, co-présidente d’Ensemble contre le sexisme
Marie Hélène Franjou, Pédiatre
Anne-Claire Gagnon, Présidente de l’association contre la maltraitance animale et humaine
Arnaud Gallais, membre de la Ciivise, cofondateur du collectif Prévenir et Protéger, et de BeBraveFrance
Eric Ghozlan, Membre du Conseil National de Protection de l’Enfance, Docteur en psychologie
Isabelle Gillette-Faye, Sociologue, Experte, Présidente de Genre et cultures
Annie Gourgue, Présidente de la Mouette
Ghada Hatem, Gynécologue obstétricienne, Fondatrice de la Maison de Femmes
Florence Jacquet, Fondatrice d’Alternatif World
Catherine Ladousse, co-présidente d’Ensemble contre le sexisme
Gilles Lazimi, Médecin généraliste
Martine Le Jossec, co-présidente de l’Association Française du Féminisme
Ursula Lemenn, Porte-parole d’Osez le Féminisme !
Séverine Lemière, Universitaire, Présidente de FIT une femme un toit
Frédérique Martz, Co-fondatrice Institut Women-Safe & Children
Céline Piques, Membre du Haut Conseil à l’Egalité
Solène Podevin, Face à L’inceste
Samuel Rassinon, Psychologue clinicien
Patricia Rouff, Directrice de Léa Solidarité Femmes
Suzy Rotman, Collectif National pour les Droits des Femmes
Muriel Salmona, Psychiatre, Présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie
Homayra Sellier, Présidente d’Innocence en danger
Céline Thiebault-Martinez, Présidente de la Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes (la CLEF).
Sylvine Thomassin, ancienne maire de Bondy
Linda Tromeleue, Psychologue clinicienne
Claudy Vouhe, Chargée des programmes de l’association L’être égale
Henriette Zoughebi, Vice-présidente du Conseil régional d’Ile-de-France en charge des lycées et des politiques éducatives
Et les associations suivantes :
Agir contre la prostitution des enfants
Association Caméléon
Assemblée des Femmes
CDP-Enfance (Comprendre, Défendre, Protéger l’Enfance)
CentraleSupelec au Féminin
CIDFF de Paris
Collectif pour une Parentalité Féministe
Dans le Genre Égales
L’Égalité c’est pas sorcier
Enfance et Partage
Elle’s Imagine’nt
Equipop
Elu/es Contre les Violences faites aux Femmes (ECVF)
Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF)
Femmes du Monde et Réciproquement (FMR)
Gynécologie Sans frontières
Glenn Hoel
La Team Eunomie
Le Monde à Travers un regard
Les chiennes de garde
Le déni, ça suffit
Les enfants de Tamar
Mouvement Français pour le Planning Familial
Mouvement du Nid
Parents & Féministes
Peau d’Âme
Protéger l’Enfant
REPPEA
Revis-Inceste et psychotraumatisme
SOS Inceste pour revivre
Stop VEO, Enfance sans violences
Traumatisme Inconscient et Victimologie
Un Nouveau Jour
Union Régionale Solidarité Femmes Ile-de-France
WeToo Stop Child Abuse